L'envers du développement personnel - Yves-Alexandre Thalmann et Matyo

Résumé : Promettant épanouissement, confiance en soi et accomplissement, le développement personnel s’invite aujourd’hui partout : dans les librairies, sur les réseaux sociaux ou dans les entreprises. Il nous promet de devenir la « meilleure version de nous-mêmes », de trouver enfin notre vocation, de nous reconnecter à notre intuition ou encore de vivre pleinement l’instant présent. Une quête de soi qui semble noble et inspirante... mais que se passe-t-il quand la pensée positive remplace l’expression sincère des émotions ? Quand l’introspection permanente devient une nouvelle forme de pression ? Quand le bonheur tant convoité ne rend pas vraiment heureux ?

EDITIONS 41 - QUANTODÉVELOPPEMENT PERSONNELSCIENCE

Antiigone

12/18/20253 min read

"L'envers du développement personnel", 20 croyances qui ne font pas (forcément) du bien.
"L'envers du développement personnel", 20 croyances qui ne font pas (forcément) du bien.

Le développement personnel, tu le connais forcément. Il s’invite partout : dans les rayons des librairies, sur nos fils Instagram saturés de citations inspirantes, jusque dans les réunions d’entreprise où l’on t’explique que ton épanouissement est la clé de ta productivité.

Devenir la « meilleure version de soi-même », écouter son intuition, vivre pleinement l’instant présent... Tout cela sonne bien, presque poétique, très prometteur ! Mais à force de vouloir se perfectionner, ne finit-on pas par s’épuiser à courir après une version idéalisée de nous-mêmes ? C’est cette question, à la fois brûlante et salutaire, qu’explorent Yves-Alexandre Thalmann et Matyo dans « L’envers du développement personnel », un essai aussi intelligent que drôle, publié aux Éditions 41.

J’ai découvert cette maison d’édition avec le premier titre de leur collection, qui alterne chapitres de vulgarisation psychologique et dessins humoristiques. Leur approche m’avait déjà séduite par sa clarté et sa rigueur, mais aussi par son accessibilité. En ouvrant ce nouvel ouvrage, je savais donc que j’allais apprendre des choses. Je ne m’attendais pas, en revanche, à y trouver un tel écho à mes propres réticences.

Yves-Alexandre Thalmann, psychologue et enseignant à Fribourg, connaît son sujet. Avec une écriture claire, fluide et jamais moralisatrice, il dissèque vingt grands thèmes du développement personnel : la connaissance de soi, la pensée positive, la créativité, la confiance, l’intuition, la gratitude… Autant de piliers censés mener au bonheur, mais dont il révèle les zones d’ombre. Ce que j’ai trouvé fascinant, c’est la manière dont il relie chaque concept à des données issues de la psychologie scientifique, tout en montrant comment ces idées, parfois mal comprises ou mal appliquées, peuvent se retourner contre nous.

Le ton reste toujours bienveillant, presque complice. L’auteur ne se moque pas de celles et ceux qui cherchent à aller mieux, mais il pointe du doigt les dérives d’un marché devenu lucratif, où la quête du bonheur se transforme en devoir moral. Quand « penser positif » devient synonyme de « ne plus jamais se plaindre », quand « s’écouter » tourne à l’introspection obsessionnelle, ou quand « lâcher prise » finit par signifier « ne plus rien ressentir », on frôle la caricature.

C’est là que le travail de Matyo apporte une vraie respiration. Ses dessins, drôles, tendres et percutants, traduisent visuellement les contradictions que l’auteur analyse. Cette alternance de texte et de bande dessinée rend la lecture fluide et agréable, même pour celles et ceux que les essais rebutent d’ordinaire.

Personnellement, j’ai ressenti un mélange de lucidité et de soulagement. Ce livre m’a fait du bien, précisément parce qu’il ne cherche pas à me « guérir » ni à me « transformer ». Il m’a rappelé qu’aller bien n’est pas un état permanent, que le doute, la tristesse ou la fatigue font partie du paysage émotionnel humain. L’envers du développement personnel, c’est aussi cela : réapprendre à être, sans chercher à tout contrôler ni à tout optimiser.

Ce qui distingue cet ouvrage d’autres essais critiques, c’est sa neutralité éclairée. Pierre-Yves Thalmann n’est pas un détracteur enragé du développement personnel, mais un observateur attentif. Il reconnaît les bienfaits de certaines pratiques, tout en soulignant la nécessité de les replacer dans leur contexte. La méditation, la gratitude ou la connaissance de soi ne sont pas mauvaises en soi ; c’est leur récupération marchande, leur dogmatisation, qui les dénature.

Cette réflexion rejoint une problématique plus large : celle d’une société qui fait du bonheur une performance. Nous devons être heureux·ses, équilibré·es, inspirant·es, et surtout, le montrer. Ce livre rappelle avec justesse que la quête de sens ne se mesure pas à coups de mantras, mais qu’elle s’incarne dans notre humanité, nos contradictions, nos fragilités.

Je tiens à remercier les éditions 41 pour leur confiance et leur envoi.